Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/142

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pas un phénomène moins fugitif que ces insectes et ces êtres humains emportés dans le gouffre, car elle aussi a commencé, elle aussi doit disparaître. À la surface de la terre, tout naît, vieillit et se renouvelle comme la planète elle-même. Toute vallée, lorsqu’elle livra pour la première fois passage au fleuve ou au ruisseau qui la parcourt, était bien plus accidentée qu’elle ne l’est actuellement : succession bizarre de fissures et de bassins, elle n’offrait qu’une série de lacs unis et de cascades plongeantes ; mais peu à peu la pente s’est égalisée, les lacs se sont remplis d’alluvions, les cascades qui creusent graduellement le rocher se sont changées en rapides, puis en courants pacifiques. Tôt ou tard, le ruisseau s’écoulera d’un flot égal vers la mer. À la fin, toute inégalité devrait disparaître, si la terre, en vieillissant d’un côté, ne rajeunissait pas de l’autre. S’il est des montagnes qui s’abaissent, rongées par les intempéries, il en est aussi qui s’élèvent, poussées vers la lumière par les forces souterraines ; tandis que des