Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/167

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dais la fanfare triomphante des moustiques et les glapissements des singes hurleurs. Mais voici qu’à ce triste concert se mêle tout à coup un murmure grandissant comme celui qu’une foule lointaine : ce sont des sanglots, des gémissements, des cris de désespoir. Mon rêve devient de plus en plus inquiet et se change en cauchemar ; je me réveille en sursaut. Il était temps : mes yeux, écarquillés par la terreur, aperçurent en amont une sorte de muraille mobile précédée d’une masse écumeuse et s’avançant vers moi avec la vitesse d’un cheval au galop. C’est de ce mur d’eau, de boue et de pierres que s’échappait le fracas, terrible maintenant, qui m’avait réveillé. Je ramassai mon bagage à la hâte, et en quelques bonds j’eus gravi la berge du torrent. Lorsque je me retournai, la débâcle recouvrait déjà l’endroit où je venais de dormir. Les vagues heurtées et tourbillonnantes passaient en sifflant ; des blocs de rochers, poussés par les eaux, se déplaçaient lentement comme des monstres ré-