Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/174

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à cette époque des hommes pour en construire.

Ainsi, pour voir l’humble ruisseau tel qu’il était à un autre âge de la planète, il faut nous transporter par la pensée sur quelque grand fleuve de l’Amérique du Sud. Combien le spectacle se trouve changé tout à coup ! Je me trouve seul, oublié, sur un îlot de sable, au milieu des eaux. En amont, en aval, je ne vois plus même la terre ; la courbe vaporeuse de l’horizon unit la nappe grise du fleuve et la rondeur du ciel. L’une des rives est tellement éloignée que je n’en distingue point les sinuosités et que les arbres me paraissent se dresser au-dessus du flot comme une muraille de verdure. L’autre rive est rapprochée ; mais la forêt empêche de voir les ondulations du sol ; là, point d’échappée entre les troncs qui permette de voir des prairies, des champs, des rochers ; les fûts pressés des arbres, les branchages entremêlés, les lianes et les nappes de feuilles des plantes parasites bornent complètement la vue. La