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Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/184

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l’abîme. C’était notre grande joie, à nous tous, gamins du village, de courir adroitement le long de cette bordure tremblante, de la faire s’écrouler d’un coup de pied par d’énormes fragments et de nous enfuir assez tôt pour ne pas être entraînés dans sa chute. C’étaient de grands cris de joie lorsqu’une lourde masse de terre se détachait avec bruit et troublait au loin le courant ; mais plus d’une fois aussi la série de nos exploits se termina par un plongeon imprévu et le malheureux naufragé, soudain calmé dans sa folle joie, s’en allait tout penaud dans la cabane d’un paysan pour y faire sécher ses habits à un feu de sarments improvisé.

Après les falaises de roche dure, les rives qui résistent le mieux à la force du courant sont celles que défend une puissante rangée d’arbres. Aulnes, vergnes ou peupliers, ils servent pendant longtemps de remparts contre les invasions de l’eau. Leurs racines, enfoncées profondément dans la berge, sont comme autant de pilotis, tandis que les ra-