Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/188

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par entraîner la terre qui les entoure et par les laisser isolées dans le lit du ruisseau. Depuis de longues années déjà, les branches de l’arbre ont été détaillées en fagots et le tronc débité en planches, mais on voit jaillir du milieu de l’eau les tronçons de quelques anciennes racines pareilles à une rangée de pieux. La bonne nature a caché sous une gracieuse enveloppe verte les déchirures du bois : sur ce vieux débris spongieux une forêt de mousses prospère comme un bosquet de palmiers sur une île de l’océan. Tel fragment de souche se revêt, à la place de son écorce, de tout un monde de plantes gaies et verdoyantes.

Avant que la hache avide du bûcheron ait détaillé en poutrelles, en pieux et en copeaux l’arbre renversé, nous avons encore bien des jours heureux pendant lesquels nous pouvons nous hasarder sur la gracieuse passerelle, toute festonnée de guirlandes de lierre trempant dans le courant. La traversée n’offre point de péril, car le tronc est large et l’on