Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/187

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un gracieux pont rustique sur lequel on peut s’aventurer sans crainte. Il est vrai que l’accès en est assez difficile. D’un côté, l’entrée du pont est défendue par l’énorme éventail des racines arrachées et par l’amas de terre et de cailloux qui en remplissent les intervalles ; de l’autre, les branches entremêlées et les éclats de bois obstruent le passage.

Dans une contrée vierge, où l’homme laisse, sans y intervenir, s’accomplir en leur temps les phénomènes de la nature, l’arbre resterait ainsi couché en travers du ruisseau pendant des années jusqu’à ce que l’eau changeât de cours, ou que le tronc, percé par les insectes, s’écroulât en poussière. En nos pays civilisés, c’est le cultivateur qui dépèce les racines à coups de hache, qui enlève le fût de l’arbre et débarrasse le sol de ses débris. Bientôt, tout le bois qui peut se vendre en beaux écus ou s’utiliser dans le foyer est emporté : il ne reste plus que des fragments de racines souterraines ; toutefois l’eau, changeant de cours, finira tôt ou tard