Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/202

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congeler ainsi les ruisseaux et les transformer en pierre ; il est même des années pendant lesquelles on ne voit à la surface de l’eau que de simples aiguilles de glace. Dans les hivers ordinaires, les couches solides ne se rejoignent pas d’un bord à l’autre, et dès la moindre hausse du thermomètre elles se brisent sous l’effort du courant, s’émiettent en entre-choquant leurs fragments rompus et se fondent dans le flot qui les roule. La glace ne joue donc qu’un faible rôle dans l’histoire hivernale du ruisseau de nos contrées ; la véritable physionomie du cours d’eau lui vient alors de la neige qui recouvre les campagnes de la plaine.

L’effet de neige est remarquable surtout pendant les journées sans rayons, alors que le bleu du ciel est entièrement voilé par les vapeurs et devient même presque noirâtre par son contraste avec la surface de la terre éclatante. Le ruisseau a la couleur d’un gris de fer ; les herbes du fond ondulent tristement ; l’eau, si gaie, si doucement gazouil-