Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/229

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visée. Immobile sur le bord, semblable à un tronc d’arbre, il attendait patiemment que le poisson passât à la portée de sa main, et soudain il l’avait saisi et lui écrasait la tête sur une pierre. De même les Indiens encore sauvages de l’Amérique percent à coup sûr le poisson du javelot qu’ils lancent de la rive ou du dard qui s’échappe de leur sarbacane.

D’ailleurs, les ruisseaux et les fleuves étaient jadis bien autrement riches en poissons qu’ils ne le sont de nos jours. Après avoir capturé dans l’eau courante toutes les proies nécessaires au repas de la famille, le sauvage satisfait laissait les milliers ou les millions d’œufs déposés sur le sable ou dans les joncs se développer en paix. Grâce à l’immense fécondité des espèces animales, les eaux étaient toujours peuplées, toujours exubérantes de vie. Mais l’homme, que les progrès de la civilisation ont rendu plus ingénieux, a trouvé moyen de détruire ces races prolifiques dont chaque femelle pourrait, en quelques générations, emplir toutes les eaux