Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/266

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mies oscillant avec un bruit sec, à tous ces engins de bois ou de métal qui chantaient, geignaient ou hurlaient dans un concert bizarre. La farine, qui jaillissait comme une fumée des grains broyés, flottait dans l’air de la salle et saupoudraient tous les objets de sa fine poussière ; les toiles d’araignées suspendues aux poutres du plafond s’étaient en partie rompues sous le poids qui les chargeait et se balançaient comme de blancs cordages ; les empreintes de nos pas se dessinaient en noir sur le plancher.

Dans l’immense brouhaha des voix qui s’échappaient des engrenages, des meules, des boiseries et des murailles elles-mêmes, à peine pouvais-je entendre ma propre voix et d’ailleurs je n’osais parler, me demandant si l’habitant de cet étrange lieu n’était pas un sorcier. Son fils, mon camarade d’école, me paraissait moins redoutable, et même à l’occasion je ne craignais pas de me colleter avec lui ; pourtant je ne pouvais m’empêcher de voir aussi en sa petite personne un