Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/268

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remous. Effarés, nous regardions le trou sinistre. Le père, plein d’une horreur sacrée, en avait fait murer le fond.

Le mystère qui pour nous entourait le vieux moulin ne planait pas sur la grande usine, située beaucoup plus avant dans la plaine, à un endroit où le ruisseau a déjà reçu tous ses affluents. D’abord, l’usine est une énorme construction qui, loin de se cacher sous les ombrages, se dresse au milieu d’un espace nu et dont la puissante masse pourrait être presque comparée, pour la hauteur, aux coteaux environnants. À côté de l’édifice, une cheminée, pareille à un obélisque, s’élève à dix mètres plus haut dans l’atmosphère et semble encore se prolonger vers le ciel par les noires volutes de fumée qui s’en échappent. Le jour, ses murs badigeonnés détachent l’usine sur le vert des prairies ; le soir, lorsque le soleil se couche, des centaines de vitres s’allument sur la façade comme autant de regards flamboyants ; la nuit, les lumières de l’intérieur rayonnent