Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/275

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animal au guet un plat déjà servi. Parmi les hommes la lutte n’a plus ce caractère de tranquille férocité ; grâce à la culture du sol et à la mise en œuvre de ses produits, nous n’en sommes plus à nous entre-manger ; mais nous nous regardons encore les uns les autres d’un œil oblique, et chacun de nous suit avec envie le morceau de pain que son frère porte à la bouche. Les spectres de la misère et de la faim se dressent derrière nous, et pour éviter, nous et nos familles, d’être saisis par leur effroyable étreinte, nous courons tous après la fortune, dût-elle même être acquise, d’une manière directe ou indirecte, au détriment du prochain. Sans doute nous en sommes attristés ; mais saisis par un engrenage comme le marteau-pilon qui se soulève et qui broie, nous aussi nous écrasons sans le vouloir.

Cette lutte féroce pour l’existence entre hommes qui devraient s’aimer n’aura-t-elle donc pas fin ? Serons-nous toujours ennemis, même en travaillant côte à côte dans l’usine