Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/292

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Un beau matin, tous les bûcherons, descendus de la montagne, sont groupés sur les rochers du défilé, à côté de la barricade qui retient les eaux du lac, et sur laquelle le surplus des eaux s’épanche en une mince cascade. Les troncs de sapins, les pieux, les contre-forts qui consolidaient la digue sont retirés avec soin, puis, à un signal donné, la traverse qui servait de verrou à cette porte énorme est précipitée dans la gorge, la vanne se lève et la masse impétueuse des eaux, prenant tout à coup son élan, court avec fureur vers l’issue qu’on vient de lui ouvrir. Gonflée au centre afin de s’échapper par l’orifice en une colonne plus puissante, elle se reploie en cataracte pour aller rejoindre, grossir et changer en une rivière tonnante le paisible filet d’eau qui coulait sans bruit dans les profondeurs du défilé ; mais la nouvelle rivière ne plonge pas seule, elle s’écroule avec les troncs d’arbres entassés dans le réservoir lacustre. Ceux-ci s’élance vers la chute comme d’énormes traits ; ils se