Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/293

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heurtent, roulent et rebondissent, puis, en s’inclinant sur la cascade, ils s’entre-choquent encore, tournoient en montant à travers l’écume les plaies rouges laissées par la hache, disparaissent un instant dans le gouffre pour surgir plus loin dans un bouillonnement de flots et s’enfuir en oscillant sur l’eau rapide. Ainsi se succèdent en une série de plongeons les centaines et les milliers d’arbres mutilés qui naguère se balançaient en forêt murmurante sur le versant de la montagne. Tous les bruits isolés se perdent dans l’immense tonnerre de ce lac et de cette forêt qui s’abattent ensemble dans le défilé sonore.

Lancés par la force de projection de l’immense éclusée, les troncs d’arbres filent par le courant à la suite les uns des autres, et derrière eux, sur les sentiers pierreux qui descendent en lacets des promontoires, courent les bûcherons. Matelots à leur manière, ils ont à diriger la navigation des flottilles de bois. Il leur suffit d’abord de bondir le long du torrent ; mais, bientôt, il faut qu’ils inter-