Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

on voit les rivages se profiler au loin entre les deux Rhône, et qui n’a pas moins de huit cents kilomètres de surface, est elle-même en entier un présent du fleuve, et faisait jadis partie des monts de la Suisse et de la Savoie. Telle est l’œuvre géologique du courant, et cette œuvre colossale se continue sans cesse. Pourtant le silence le plus grand pèse sur ces puissantes ondes. Assis à l’ombre des saules, on chercherait vainement à percevoir le murmure de la ville d’Arles, dont on peut, en se haussant, distinguer dans la brume les arcades romaines et les tours sarrasines. Le seul grondement qu’on entende, est celui des locomotives et des wagons qui roulent de l’autre côté du fleuve en ébranlant le sol. On ne les voit pas, et leur tonnerre lointain, qui s’accorde si bien avec l’immensité du Rhône, semble être la seule voix du fleuve. On se figure que le fils de la mer doit avoir, comme l’océan, son éternel et formidable bruit.

Au-dessous de leur bifurcation, les deux