Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/79

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égouts sortis des palais de leurs frères plus heureux ; des milliers et des millions d’individus parmi les civilisés habitent des caves et des réduits humides, grottes artificielles bien plus insalubres que ne le sont les cavernes naturelles où se réfugiaient nos ancêtres, Mais, si nous considérons la situation dans son ensemble, il nous faut reconnaître combien grands sont les progrès accomplis. L’air, la lumière entrent dans la plupart de nos demeures ; le soleil y projette par les fenêtres ses faisceaux de rayons ; à travers les arbres qui se penchent, nous voyons briller de loin les perles liquides du ruisseau ; l’espace appartient à notre regard jusqu’à l’immense horizon. Il est vrai, le mineur habite pendant la plus longue part de sa vie les galeries souterraines qu’il a creusées lui-même, mais ces ombres terribles d’où suinte le feu grisou ne sont point sa patrie ; s’il y travaille, sa pensée est ailleurs, là-haut sur la terre joyeuse, au bord du frais ruisseau qui gazouille dans les prairies et sous les aulnes.