Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/87

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montais à la course, puis je redescendais ce sentier en quelques bonds ; parfois aussi, je m’aventurais à une certaine distance sur le plateau jusqu’à perdre de vue le bosquet de la source ; mais à un angle du chemin, je m’arrêtais court, n’osant aller plus avant. À mes côtés, je voyais s’ouvrir un abîme en forme d’entonnoir rempli de broussailles et de ronces entremêlées. De grosses pierres jetées par les passants ou bien entraînées sur la déclivité par les fortes pluies, pesaient çà et là sur le feuillage poudreux et meurtri ; au fond, se croisaient quelques rameaux ; mais entre leurs feuilles vertes, je distinguais le noir effrayant d’un gouffre. Un bruit sourd s’en échappait incessamment comme la plainte d’un animal enfermé.

Aujourd’hui j’aime à revoir le « Grand-Trou ; » je me hasarde même à y descendre, au risque d’effrayer les couleuvres qui déroulent prestement leurs anneaux entre les pierres ; mais jadis, avec quelle terreur, nous tous petits enfants, nous regardions ce