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l’homme et la terre. — inde

à la cour de Pataliputra, et, grâce à ce Grec intelligent, qui résida plusieurs années sur les bords de la Gangâ et qui semble avoir été moins porté aux exagérations que la plupart de ses compatriotes, les Occidentaux de la Grèce et de Rome apprirent à peu près tout ce que l’on devait savoir de l’Inde et de ses habitants jusqu’au voyage de Vasco de Gama : ses descriptions, reproduites par Arrien et Strabon, commentées par Ératosthènes avec l’aide d’un autre récit de voyage, celui de Patrocle, furent pendant 18 siècles le document classique par excellence. À l’époque où Mégasthènes était l’hôte de Tchandra-Gupta, la caste des brahmanes était encore souveraine, mais les philosophes sarmanes, c’est-à-dire les Sramana, ainsi que l’on désignait les bouddhistes, étaient fort considérés : c’était vers eux que regardait le peuple comme vers des sauveurs.

Les rapports directs qui s’établirent entre l’Inde et les terres riveraines de la Méditerranée et qui mirent en mouvement de grandes masses d’hommes amenèrent sans aucun doute des progrès considérables à tous les points de vue. « Les Yavana savent tout, est-il dit dans un verset des Mahâbhârata, et leur force surpasse celle des autres hommes » ! L’influence hellénique se manifesta même directement dans le domaine de la science, puisque des traités astronomiques hindous, datant des premiers siècles de l’ère chrétienne, reproduisent des vocables grecs, tels que « centre », « diamètre », « heure », sous des formes peu modifiées[1]. Le texte de ces ouvrages montre en toute évidence que les théories d’origine occidentale avaient été importées par la voie d’Alexandrie, « Yavanapura », qui était alors la ville hellénique par excellence. En dehors de l’astronomie, il ne paraît pas que l’Inde ait beaucoup reçu de l’Occident en arithmétique et en algèbre : c’est bien sans l’intervention des Grecs que les Hindous auraient trouvé le système de numération dit « arabe », caractérisé par la position respective des chiffres en colonnes distinctes comme les rangées de boules sur l’abaque, et par la figuration du point ou zéro qui représentait d’abord le vide intercalaire des colonnes, ainsi que le défaut des unités finales[2].

L’influence grecque s’est manifestée surtout dans la sculpture et

  1. Vivien de Saint-Martin, Traité sur la Géographie grecque et latine de l’Inde, p.192.
  2. Goblet d’Alviella, Ce que l’Inde doit à la Grèce, p. 109 ; — Eugène Monseur, Inde et Occident, p. 30.