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l’homme et la terre. — chrétiens

serait donc, en réalité, l’homme auquel on devrait attribuer la plus grosse part dans la rédaction de la formule définitive portée par la grande révolution religieuse. La phraséologie du philosophe juif et celle de l’apôtre chrétien diffèrent à peine. Pour l’un et pour l’autre, le Christ est le « fils de Dieu », le « créateur » et le « médiateur », l’ « héritier », le « pontife » et le « sacrificateur » ; il est la victime qui
Musée Guimet.Cl. Giraudon.
croix ansée, symbole chrétienAvant les Chrétiens, les Égyptiens faisaient usage de la croix ansée qui, pour eux, symbolisait l’immortalité de l’âme.
s’incarne dans un homme afin d’expier les péchés d’autrui par ses propres souffrances[1]. Et les formes verbales que l’on trouve dans l’Évangile selon saint Jean ne sont-elles pas absolument les mêmes que celles employées par Philon ? La source commune est évidente.

Sous la poussée de la civilisation gréco-romaine qui rapprochait les peuples et leur faisait honte de l’ancien isolement politique et religieux, les Juifs eux-mêmes cherchaient à élargir le sens de leur culte strictement national : l’un d’eux, portant le nom grec d’Aristobule, alla même jusqu’à prétendre que Yahveh était identiquement le personnage représenté par les Grecs sous la forme de Zeus. D’ailleurs l’idée d’un Dieu unique, moins étroitement haineux et jaloux que le dieu des Juifs, l’idée d’un souverain père, d’un être épandant la justice et la bonté sur tous les hommes, n’était point étrangère aux Romains, puisque déjà, du temps des Tarquins, Jupiter était ainsi invoqué par les pontifes : « Ô Dieu très bon, très Grand, Jupiter, ou de quelque autre nom que tu veuilles être appelé ! » Le temple du Capitole, seul dans Rome et symbolisant par excellence la force de la nation, portait cette dédicace : Deo Optimo Maximo Sacrum, à laquelle les prêtres de la deuxième « Église romaine »

  1. Gustave Lejeal, Humanité nouvelle, déc. 1899, pp. 657 à 669.