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l’homme et la terre. — orient chinois

au groupe de cités qui se trouve près du confluent des deux fleuves un rôle prépondérant dans le mouvement commercial de l’immense organisme chinois. C’est en cet endroit que se pressa pendant plusieurs siècles la plus grande agglomération d’hommes existant à la surface de la terre, et il ne serait pas étonnant que la Tripoli chinoise, — Han-kou, Han-yang, Wu-tchang —, reprît un jour le premier rang parmi les centres populeux du monde. Là se fait la croisée principale des forces entre le nord et le sud, entre l’est et l’ouest de la contrée. La voie du Yang-tse, largement ouverte aux navires en aval de I-tchang, constitue, sur une longueur d’environ 2 000 kilomètres entre la zone des rapides et l’Océan, la route médiane par excellence dans tout l’ensemble chinois, et tandis que le Han-kiang apporte du nord ses eaux et les denrées de ses bords, les deux lacs Tung-ting et Po-yang, qui correspondent aux deux courbes du Yang-tse, en amont et en aval du méandre de Han-kou, reçoivent aussi plusieurs courants navigables descendus des montagnes du sud. Nulle part sur la surface du globe, l’homme ne possède un pareil réseau de voies fluviales sans ressaut ni défilé.

Chacune de ces rivières, ainsi que les autres affluents méridionaux du Yang-tse, parcourt des vallées qui sont devenues autant de voies historiques, sans avoir cependant l’importance de la route majeure qui réunit le fleuve Jaune au fleuve Bleu : le mouvement, se divisant en plusieurs rameaux et dans une contrée moins populeuse, doit être d’autant plus faible en proportion. De ces diverses lignes d’activité, la principale est naturellement celle qui réunit le bas Yang-tse à la baie de Canton en contournant à l’ouest les montagnes du Fo-kien : c’est la ligne la plus courte entre des foyers d’extrême densité par leurs populations. Un des noms géographiques le plus souvent répétés dans les livres de voyage en Chine est celui de Mei-ling — « col des Peupliers », ou « cime boisée » ; c’est un seuil d’environ 300 mètres, d’où jaillit la source du Pe-kiang, le « fleuve du Nord », ainsi nommé de la direction de son cours relativement au labyrinthe fluvial de Canton.

Ce réseau de navigation où viennent s’unir les eaux de plusieurs fleuves et dont le flot principal est fourni par le Si-kiang, ou fleuve de l’Ouest, a dû, par les indications mêmes de la nature, devenir un point de convergence des plus actifs, provoquant la naissance d’une grande capitale ou d’un groupe de cités considérables. La ville de