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l’homme et la terre. — orient chinois

La ville de Tali est située dans la région vitale où se noue cette digitation extraordinaire de grandes routes fluviales. Les guerres, l’hostilité des peuplades de montagnards, les dévastations, les événements politiques de toute nature ont maintes fois obstrué ou même fermé les chemins qui rayonnent autour de Tali, mais dès que la paix renaissait et que les fugitifs, accompagnés d’immigrants nouveaux, revenaient vers le pays dévasté, la « Voie d’Or et d’Argent », ainsi nommée des gîtes métallifères du Yunnan, reprenait son importance ; elle ne peut manquer de devenir un jour la route par excellence entre Calcutta et Canton.

Les centres de gravité dans le monde politique et social de la Chine ont fréquemment changé, suivant les mille alternatives de la colonisation, des conquêtes, des refoulements et des retours offensifs. Si-ngan, sur le Wei, c’est-à-dire dans la vallée qui forme le prolongement occidental du Hoang-ho, et, plus bas, Ho-nan, à peu de distance du grand fleuve, en aval du confluent, furent des lieux tout désignés pour devenir les centres du commerce et de la domination.

Le Yang-tse, artère centrale du « Royaume Fleuri », devait également attirer sur ses bords les forces vives de la nation. Dans le haut bassin, la plaine où se ramifie le Min, — considéré comme la véritable branche-mère du Ta-kiang, « Grand fleuve », — fut dès le début de la colonisation un centre d’attraction extraordinaire et reste encore de nos jours la Chine par excellence, grâce au long couloir où le Yang-tse descend de rapide en rapide et que seule la patience inlassable des habitants parvient à utiliser comme voie de commerce ; à l’aval des grands affluents, les grandes villes se succèdent sur ses rives jusqu’à la rencontre du flot marin ; aussi, après Si-ngan, Nan-king fut-elle une capitale tout indiquée. Le va-et-vient et la puissance ont dû naturellement osciller du Hoang-ho au Yang-tse kiang, qui arrosent les régions les plus fertiles et les plus populeuses : mais, comme en France et pour des raisons analogues, la prépondérance politique a presque toujours appartenu aux régions du nord ; rarement elle est échue au centre, et jamais au midi[1]. C’est que le peuple conquérant, venu des contrées du nord-ouest, avait toujours le gros de ses forces

  1. Escayrac de Lauture, Mémoires sur la Chine, Paris, 1865.