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l’homme et la terre. — mongols, turcs, tartares et chinois

le pouvoir et la richesse. C’est en raison de leurs abus d’autorité, et non en vertu de leur race, qu’ils furent odieux au peuple chinois et que celui-ci finit par se révolter. Après une guerre de plusieurs années, le parti national, auquel on avait refusé les places et les honneurs, l’emporta sur le parti des fonctionnaires et des soldats mongols, et la dynastie purement chinoise des Ming remplaça celle des conquérants du nord. Encadrée historiquement entre des empereurs mongols et des empereurs mandchoux, cette famille est restée populaire jusqu’à nos jours dans l’esprit des nationalistes chinois.

À l’ouest de la Mongolie et de ses prolongements asiatiques s’accomplissait une évolution parallèle à celle de la Chine : les khan tartares de la « Horde d’or » ou Kiptchak ne restaient point en communication directe avec les campements primitifs de la Mongolie. Etablis dans leur cité de Saraï, qui bordait sur une vingtaine de kilomètres en longueur la rive gauche de l’Achtuba, coulée latérale de la basse Volga, les khan n’exerçaient de souveraineté directe que sur les contrées à demi désertes de la Russie orientale, de Kazan au Don, et sur les bords de la mer Noire, notamment en Crimée. Séparés de leurs frères de race par le bassin de la Caspienne et les solitudes de l’Oust-Ourt, ils n’avaient non plus que des rapports médiats avec les Slaves du centre et de l’ouest de la Russie : ils les laissaient se gouverner à leur guise, guerroyer entre eux ou même contre l’étranger, pourvu qu’ils payassent l’impôt et vinssent faire hommage à Saraï. En réalité, ils n’étaient que les fermiers généraux des contrées précédemment conquises par les fils de Djenghis.

Un partage naturel de races s’était fait conformément aux conditions du milieu. Les populations, en grande partie « allophyles », des plaines à demi asiatiques de l’Est restaient soumises aux Mongols Kiptchak, tandis que les Slaves des régions tout à fait européennes de l’Ouest continuaient de vivre sous le gouvernement de leurs chefs d’origine normande, laissant une royauté puissante se constituer dans le Kremlin, au milieu des riches villages des bords de la Moskva, après avoir échoué à Souzdal et à Wladimir[1], et que, par l’intermédiaire des républiques de Novgorod et de Pskov, les Russes commerçaient avec les contrées riveraines de la mer Baltique. Le contraste géographique opposait les agriculteurs aux nomades : a l’ouest, les « terres

  1. Pierre Kropotkine, L’État et son Rôle historique.