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l’homme et la terre. — découverte de la terre

Mombase, dans l’ile de Zanzibar et jusqu’à Sofala. Il est impossible qu’ils n’eussent pas constaté dans leurs traversées quelle était la véritable direction des côtes ; ils avaient certainement vu le soleil au tropique du Nord, à l’équateur, même au tropique du Sud, puisqu’ils avaient poussé jusqu’au cap Correntes, où le remous périlleux des eaux les avait effrayés[1]. Ils connaissaient donc à l’ouest, aussi bien qu’au nord, la forme générale de l’océan Indien, et c’est d’ailleurs à eux que plus tard Vasco de Gama dut de pouvoir s’orienter facilement vers la côte du Malabar. Oui, du temps d’Edrisi, les marins, les voyageurs auraient pu dessiner assez approximativement le contour oriental du continent africain ; mais nombre de savants s’imaginaient, de par leur science même, devoir s’en tenir à l’ignorance d’autrefois : ayant sous les yeux les « tables de Ptolémée », ils acceptaient ce document comme l’expression certaine de la vérité ; entre le témoignage des contemporains et les écrits des Grecs, consacrés par le temps, ils n’hésitaient point. Que de fois la science des livres fut-elle ainsi la cause d’un retard ou même d’une régression dans la science des faits !

À l’occident de l’Afrique, Arabes, Génois et Portugais avaient pénétré dans les eaux atlantiques, certainement guidés dans leurs recherches par les souvenirs de l’antiquité phénicienne, grecque et latine. Des marins génois, dont on ignore le nom, découvrirent le groupe d’îles le plus rapproché de l’Europe, et la terre la plus grande de cet archipel reçut d’eux l’appellation de Legname, traduite plus tard par les Portugais en celle de Madeira, « futaie », maintenant imméritée. À la même époque, c’est-à-dire au milieu du quatorzième siècle, toute la traînée des Açores avait été trouvée par d’autres Génois ; une carte de 1351 indique déjà toutes les îles, dont l’une, San Zorzo, était désignée d’après le patron de la république ligure, tandis qu’une autre terre, la Terceira actuelle, est dite Brazi ou Brasi — d’après une ou plusieurs plantes de teinture —, appellation mystérieuse qui ne cessa de voyager sur les cartes dans la direction de l’ouest, jusqu’à ce qu’elle servît à désigner fixement la moitié occidentale du grand continent sud-américain.

Quant aux Canaries, plus rapprochées de la terre d’Afrique et du reste maintenues dans la mémoire des hommes grâce aux écrits des anciens, elles avaient été certainement retrouvées avant cette époque, au

  1. Oscar Peschel, Geschichte der Entdeckungen.