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début des groupements municipaux

XIIIe siècle ; la Creuse et le Lyonnais fournissent des exemples analogues.

L’histoire nous montre donc en toute évidence l’origine naturelle et spontanée des communes nées des conditions du milieu et de l’association forcée des intérêts. Pourtant des écrivains se sont laissé entraîner à une philosophie des choses vraiment trop facile, en attribuant à la volonté des princes la naissance et le développement des communes ; n’a-t-on pas répété des millions de fois, ne répète-t-on pas encore que Louis VI et Louis VII, en France, furent les « fondateurs des communes » ? Le fait est que parmi les pouvoirs existants qui se disputaient la possession des terres et la domination sur les hommes, il arriva souvent que l’un ou l’autre chercha temporairement son point d’appui contre ses rivaux sur les bourgeois des villes naissantes ou même sur le menu peuple des campagnes ; le pape tendait à susciter des ennemis à l’empereur et aux rois ; ceux-ci voyaient aussi avec plaisir se constituer des communes qu’ils pourraient opposer aux ingérences des évêques et aux révoltes des grands vassaux ; enfin ces derniers aimaient à trouver au besoin l’alliance des villes contre le suzerain temporel ou spirituel. De leur côté, les communautés, urbaines ou autres, encore faibles et d’autant plus rusées, profitaient de leur mieux des dissensions qui mettaient aux prises les pouvoirs souverains.

D’ailleurs, en cet immense chaos de guerres, de sièges et d’invasions qu’était l’époque féodale, les seigneurs les plus âpres à la lutte avaient parfois besoin d’un peu de tranquillité, et cette tranquillité, ils ne pouvaient l’obtenir qu’en limitant leur propre puissance et en concédant un certain jeu au sentiment de liberté chez les jeunes, les vaillants, les désespérés. Souvent ce fut même pour eux un moyen d’accroître indirectement leur force en s’appuyant sur l’aide reconnaissante de leurs obligés, soit contre d’autres seigneurs, soit contre les évêques ou les rois, toujours redoutables, qu’ils fussent amis ou ennemis. Aussi les provinces féodales se sont-elles parsemées de villes et de villages portant les noms de Francheville, Villefranche, Villefranque, Villafranca, Borgofranco, La Sauve, Sauveté, Sauvetat, Sauveterre, Freiburg, Freistadt et autres, et chacune de ces agglomérations pouvait devenir d’autant plus prospère qu’elle avait été le refuge d’hommes plus vaillants, plus décidés à maintenir envers et contre tous, surtout contre le patron fondateur, les franchises qu’on leur avait garanties.

Les Eglises qui, par leurs moines, avaient eu en maints endroits l’ini-