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l’homme et la terre. — les communes

Venise de ces lieux de marché, puisque l’une et l’autre avaient à faire passer leurs flottes par la mer Ionienne, tachait de se rendre indispensable aux empereurs de Bysance, et, par un traité formel conclu en 1261, le monopole commercial de la mer Noire lui fut concédé. Kaffa, la Théodosie des Milésiens, devint une seconde Gênes, comme elle avait été une seconde Milet, et fut alors le principal marché de l’Orient, le point d’attache des routes « génoises » pénétrant au loin vers les plaines de la Russie et jusqu’en Iranie, par les passages caucasiens.

Dans l’intérieur de l’Italie, d’autres cités populeuses avaient également grandi au confluent des routes historiques. C’est en Toscane, dans les bassins de l’Arno et du Serchio, dans la riche Lombardie et les contrées voisines, que se constituèrent ces communautés républicaines, faibles par l’étendue de leur territoire, mais si fortes par l’énergie des initiatives, par la vaillance et le dévouement des citoyens à leur idéal ou à leur parti. Ce fut une merveilleuse époque, à laquelle la société moderne doit prendre souci de rattacher directement ses origines, mais qui eut le tort de chercher un modèle plutôt dans l’histoire que dans sa propre expérience. Comme Arnaldo de Brescia, chaque ville italienne, essayant de se dégager du pouvoir féodal, regarda vers le passé de la Rome antique pour y trouver ses enseignements, pour instituer des consuls et tribuns chargés de défendre la liberté des citoyens contre toute attaque. Cette renaissance des municipalités se fait dans le sens du sud au nord, reprenant le chemin que l’influence de Rome avait suivi douze ou quinze cents années auparavant ; au commencement du douzième siècle, toutes les villes de l’Italie du nord se sont ainsi érigées en autant de Rome, mais toutes donnant à l’élément populaire une part plus importante que la cité des Sept Collines.

Combien dure devait être pour ces communes récentes l’âpre défense de leur liberté ! Les villes de la Lombardie n’avaient pas l’avantage d’être bien abritées comme Venise et Gênes, l’une par les terres inondées de son rivage, l’autre par le rempart des Apennins : moins favorisées que les cités de la Toscane, toutes défendues par des rideaux de montagnes, de collines, de régions forestières, elles ne possédaient pas même une butte de terre où dresser leur citadelle ; mais, assises dans la plaine rase, elles n’en essayaient pas moins de vivre à leur guise et, sentant leur force grandir par le travail, apprenaient quand même à se faire respecter : pourtant le danger renaissait sans cesse. Chaque année. Milan,