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l’homme et la terre. — le dix-huitième siècle

des Hurons ; les colons de la Pennsylvanie, du Delaware, du Maryland avaient affaire à des Indiens moins belliqueux, les Lenni-Lenap, tandis que les Virginiens luttaient avec acharnement contre les Powhattan et autres dans de la même famille. Quant aux colonies méridionales des blancs, elles ne s’étendaient dans l’intérieur qu’en s’emparant des territoires qu’avaient habités les Tcheroki (Cherokee), les Cri (Creek, Muskoghi) et diverses tribus de moindre importance dans le groupe des Appalachiens. En presque toutes les rencontres, les armes à feu l’emportèrent sur les flèches, et, durant les trêves, l’eau-de-vie continua l’œuvre destructive des balles ; cependant il arriva souvent que les envahisseurs risquèrent d’être rejetés vers l’Océan par un retour offensif des Indiens, et que, pour éviter de justes représailles, ils eurent recours aux soldats de la mère-patrie.

Mais, pendant la deuxième moitié du dix-huitième siècle, les colons, au nombre d’environ deux millions d’individus, étaient devenus assez puissants pour n’avoir rien à craindre des guerres indiennes ; d’autre part, ils s’étaient débarrassés, au nord et à l’ouest, d’un gênant voisinage par la soumission du Canada aux armes britanniques. Devenus conscients de leur force et unis en un commencement de nation qui prenait un caractère de plus en plus homogène, ils subissaient avec une croissante impatience l’intervention supérieure du gouvernement métropolitain représenté par ses gouverneurs, ses généraux, ses collecteurs d’impôts, tous gens d’outre-mer dans lesquels on voyait autant d’étrangers. Peu à peu les Anglais d’Amérique se laissaient aller à l’idée d’autonomie, et les actes d’indiscipline se changeaient en rébellion véritable. Fort hésitant dans sa politique, le ministère britannique passait de l’insolence à la faiblesse et de la peur à l’arrogance dans la répression de la contrebande et dans la fixation des droits de timbre et des impôts douaniers ; or ces hésitations mêmes constituaient autant d’encouragements pour les revendications coloniales.

Le premier acte de révolte eut lieu dans le port de Boston, à la fin de l’année 1773, lorsqu’une cinquantaine de citoyens, grimés en Peaux-Rouges, s’emparèrent d’un navire anglais chargé de thé et noyèrent toute la cargaison. Cependant plus d’une année s’écoule sans que les haines grandissantes aboutissent à un conflit sanglant, et cela par suite du mépris dans lequel on tenait ces colonies lointaines, dont la principale était qualifiée dans les documents officiels d’Ile de la Nouvelle Angle-