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l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

évitant de leur mieux tout contact avec les blancs ; et même, récemment, chez les Yaqui et les Seri, au nord-ouest, et chez les Maya au sud-est de la République, la guerre brutale, sinon d’extermination, du moins de répression, sévissait encore.

L’entrée graduelle de tous les Indiens dans le monde de la civilisation castillane se fait assez rapidement pour que les anciennes divisions en nations et en tribus soient déjà çà et là fort difficiles à reconnaître. Les savants ne s’accordent même pas bien sur le nombre de groupes distincts restant nettement différenciés parle langage. On croit qu’avant la domination espagnole, près de deux cents idiomes, plus ou moins affiliés entre eux, étaient en usage dans toute l’étendue du Mexique : actuellement, c’est à cent vingt que l’on peut évaluer les différents parlers des diverses parties de la contrée (Orozco y Berra). Quelques-uns disparaissent en chaque génération, et le métissage qui transforme les « Peaux-Rouges » en « Visages Pâles » remplace le tarasque, l’othonis et tant d’autres langues par le castillan. Plusieurs nations qui eurent jadis une civilisation propre, un grand développement intellectuel — tels les Maya du Yucatan — renaîtront sous une autre forme et contribueront sans doute à la prospérité commune de la société nationale plus vaste à laquelle elles appartiennent maintenant. Ainsi les Toltèques, qui se sont complètement fondus dans l’ensemble du peuple mexicain, ont certainement pris une part considérable à l’histoire du pays, et les Zapotèques d’Oajaca, qui résistèrent aux conquérants espagnols avec plus d’énergie que les autres habitants du Mexique actuel, sont aussi parmi ceux qui, dans le mouvement de renouveau contemporain, montrent le plus de jeunesse et d’élan.

Grâce à cet accroissement continu de la population latinisée, accroissement auquel viennent s’ajouter un excédent annuel de natalité et une immigration assez forte où ces éléments « latins » sont de beaucoup les plus représentés, la République mexicaine soutient dignement en face des États-Unis un rôle de champion d’avant-garde dans la concurrence vitale des nations et des races. Depuis que l’Espagne a le bonheur de n’être plus la dominatrice et par conséquent l’ennemie, elle a pris comme une vague apparence de mère lointainement aimée par les peuples qu’elle avait conquis autrefois et, quand même, initiés à la vue d’un horizon plus vaste, à la compréhension d’un monde moral plus complexe et plus étendu. A l’influence de l’Espagne qui, par la