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l’homme et la terre. — la culture et la propriété

qui fût restée domestique, et, après l’invasion des Hyksos, tous ces animaux, que les Egyptiens seuls entre les hommes avaient su associer à leur existence, étaient redevenus sauvages.

Avec les diverses espèces de chiens que possédaient les Egyptiens et dont ils faisaient l’éducation, ils avaient su dresser deux animaux rapprochés de la hyène, dans lesquels Hartmann a reconnu le chien hyénoïde, canis pichus[1], qui vit encore en Abyssinie mais que l’on n’utilise plus nulle part comme chasseur, quoiqu’il sache très bien se grouper en meute et poursuivre le gibier avec une rare méthode, même en plein jour. Les Egyptiens n’avaient pas eu grand peine à profiter de cet instinct si remarquable, le chien hyénoïde se reproduisant dans la domesticité. Quant au guépard (felis jubata), que les chasseurs de l’Egypte tenaient aussi dans leurs chenils, il sert encore aux Beni Mzab d’Algérie, les aidant à la poursuite des antilopes. A l’autre extrémité du continent, dans les brousses de l’Afrique Méridionale, l’insouciance extraordinaire des colons, de race hollandaise, française ou britannique, a détruit, en l’espace de deux siècles, peut-être encore plus d’espèces d’animaux que l’homme eût pu associer à son travail. Deux de ces bêtes superbes ont complètement disparu pendant la deuxième moitié du dix-neuvième siècle : ce sont l’antilope blaaubok et le couagga. Ce dernier aurait été facile à conserver, car il s’apprivoisait en peu de temps quand on le capturait jeune : il se croisait avec la jument et ne subissait point comme la plupart des autres bêtes la redoutable contagion apportée par la mouche tsétsé. C’est par millions qu’on eût pu compter les couaggas si l’élevage en avait été tenté, et maintenant il n’en reste plus que des squelettes et des peaux dans une douzaine de musées[2].

L’éléphant, qui faisait la gloire des grands cortèges d’Afrique, il y a deux mille ans, comme de nos jours encore dans les Indes, était récemment retourné à l’état sauvage dans le continent noir. Au milieu du dix-neuvième siècle, l’espèce africaine n’était plus représentée par un seul animal apprivoisé : la race était revenue à la sauvagerie primitive, et ce qui en restait était menacé de disparition très prochaine. On a calculé qu’en Afrique la production de l’ivoire éléphantin est de 800 000 kilogrammes par an. Une faible part de cette substance pré-

  1. Dümichen ; Hartmann, Resultate der archäologisch-photographischen Expedition.
  2. Graham Renshaw, Zoologist, cité dans la Revue Scientifique, 30 mars 1901.