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l’homme et la terre. — éducation

moins troublées, hésitantes, et la double vie morale qui lui est faite l’accoutume à l’hypocrisie du langage.

Comme ceux qui, par effroi des révolutions, vantent les effets de la patience et la « longueur de temps », on pourrait tout attendre de l’école pour l’exercice futur de la liberté. Mais ce serait oublier que l’éducation a parfois un caractère régressif aussi bien qu’un caractère progressif, et que la plupart des écoles sont, autant par le programme qui leur a été dicté que par l’esprit et les tendances des hommes qui les dirigent, des centres routiniers ou même réactionnaires, dans lesquels s’organise à l’avance, par des redites imbéciles ou même par un enseignement pervers, une armée, ou du moins une cohue, déjà hostile au progrès. Il est de soi-disant écoles qui réalisent l’idéal de contre révolution dont les fondateurs sont animés ; les enfants y apprennent à faire des signes de croix et des génuflexions, à glapir des prières incomprises et à pratiquer des mœurs d’esclaves. Mis au travail dès qu’ils ont fait leur première communion, ils ne savent plus lire et peuvent à peine signer leur nom lorsqu’ils atteindront la majorité. Ils resteront leur vie durant la chose de l’Eglise.

Cependant, l’évolution graduelle des idées qui tout en s’éloignant de l’ancien régime lui restent attachées par des préjugés tenaces, des formes de l’esprit et des habitudes mentales, a fait naître une éducation bâtarde, aux effets entremêlés et contradictoires.

Dans son pauvre enseignement, le prêtre chrétien avait l’avantage d’une certaine logique d’accord avec les béates croyances et les niaises adorations. Mais l’instituteur n’a plus la foi, et, forcé, suivant l’expression consacrée, de « chasser Dieu de l’école », il continue à se plier aux méthodes inspirées par le dogme catholique et monarchique. Parlant en réalité l’ancien langage et se servant des mêmes procédés d’instruction et de prétendue moralisation, il remplace Dieu par un autre Dieu, la Loi ou la Patrie que représentent le drapeau et autres symboles. Si cette nouvelle divinité devait être prise au sérieux par les enfants, leur horizon moral serait singulièrement rétréci, car la patrie n’est qu’un étroit lambeau de terre, considéré généralement comme entouré d’ennemis, tandis que l’idée de Dieu répondait pour les âmes douces et simples à une justice de l’au delà.

L’école vraiment libérée de l’antique servitude ne peut avoir de franc développement que dans la nature. Ce qui de nos jours est