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l’homme et la terre. — l’angleterre et son cortège.

cule Angleterre se formait aux antipodes planétaires de celle d’Europe, mais une Angleterre plus jeune, où les éléments de renouveau socialiste étaient fortement représentés. Ainsi la colonie, tout en se rappelant les us et la politique de la métropole, eut la prétention de faire mieux et de lui servir de modèle, en réformant le régime de la propriété, en supprimant les mœurs de l’absentéisme, en facilitant aux cultivateurs l’accès du sol, aux ouvriers le travail de l’industrie. La société néo-zélandaise s’est donné pour objectif de mettre fin aux conflits entre le capital et le salariat, et quoique cet idéal n’ait pas été réalisé, des gouvernants de la contrée nouvelle ont cru pouvoir rapporter un évangile politique aux représentants vieillis de la métropole. La Nouvelle-Zélande est le premier État qui ait admis les femmes à l’élection ; l’Australie l’a imitée et de plus leur a conféré l’éligibilité ; cette innovation semble du reste à peine avoir modifié la force relative des partis politiques.

Même dans leurs rapports avec la population indigène, les colons de la Nouvelle-Zélande ont moins de reproches à se faire que la plupart de leurs compatriotes établis en d’autres lieux de la rondeur terrestre. D’ailleurs, ils doivent se rappeler que jamais on n’eut à combattre d’adversaires plus nobles que les Maori. Lors d’une rencontre, une bande de blancs manquant de vivres, succombant de fatigue, eût été une proie facile pour les indigènes, mais ceux-ci firent trêve aussitôt et envoyèrent même à leurs ennemis la moitié de leurs rations : « Pour vous combattre, dirent-ils, nous attendrons que vous soyez nos égaux ». Les Anglais ont amplement démontré que le « civilisé » l’emporte réellement sur le sauvage dans l’art de tuer son prochain, mais maintenant, en principe du moins, le droit d’égalité est conféré aux anciens maîtres du sol : ils ont gardé leur part de propriété ; ils siègent à côté des blancs dans les assemblées nationales, et leurs enfants, non les moindres en intelligence, étudient dans les mêmes écoles. Cependant la race a lamentablement décru, si ce n’est en quelques districts où par les croisements le type maori s’est fondu dans la population envahissante des Anglo-Saxons. La secousse de l’évolution sociale a été trop forte pour que la nation océanienne ait pu résister victorieusement : sa puissance d’adaptation n’a pas suffi, du moins pendant les deux premières générations de la race immigrante, car il semble maintenant que le mouvement de recul soit enrayé. Les cent mille Maori qui vivaient en