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castes riches et castes pauvres

Pyrard décrit avec une admiration naïve à cause des deux phases alternantes de sa vie et de sa morale : les gens s’y livrent, suivant le changement des moussons, tantôt à l’industrie des naufrageurs, tantôt aux travaux que réclament leurs champs, se montrant, conformément aux exigences de leur milieu, de fort cruels pirates et de très doux, très honnêtes agriculteurs. C’est chez les descendants de
Cl. du Globus
reine de sikkim, de race tibétaine
ces déprédateurs que les Anglais recrutent volontiers leurs agents de police : l’influence de l’hérédité doit se retrouver dans le métier nouveau.

Dans le midi de l’Inde, où le régime des castes a tant de puissance, prévaut une autre division sociale, inconnue dans les contrées du nord. Les habitants classés appartiennent tous à la « Droite » ou à la « Gauche », suivant les prescriptions religieuses relatives aux ablutions : les uns doivent se laver le corps en n’employant que la main droite et les autres en ne se servant que de la main gauche. Les Hindous semblent s’être ingénies pour observer, dans le genre de vie ou dans les habitudes du travail, des différences insignifiantes, mais suffisant néanmoins à leurs yeux pour justifier la création de castes absolument distinctes. Ainsi, dans une partie de l’Inde, le mariage est défendu entre les pêcheurs qui tirent leurs filets de droite à gauche et ceux qui travaillent en sens inverse. Le mode de fabrication du beurre crée des castes correspondantes. A Cattak, capitale de l’Orissa, le potier qui se tient debout pour tourner de grands pots ne saurait toucher l’artiste qui s’assied pour façonner de petits vases[1]. Par une singulière bizarrerie des choses

  1. Richard Garbe, Indisches Leben; cité par R. von Ihering, Les Indo-Européens avant l’Histoire, trad. Meulenaere, p. 84.