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origines animales de l’homme, prétendues races

ou moins acceptable, ils veuillent faciliter l’étude de l’Homme, sont amenés à de singuliers écarts, suivant l’importance spéciale qu’ils donnent à tel ou tel élément différentiel : couleur de la peau, stature, membres et squelette, forme et dimensions du crâne, aspect de la chevelure, langage et caractères moraux.

Ainsi, tandis que Blumenbach divise l’humanité en blancs, jaunes, rouges, olivâtres et noirs, que Virey compte seulement deux races, que Topinard en énumère seize, puis dix-neuf, que Nott et Gliddon en distinguent huit, divisées en soixante-quatre familles, Hæckel déroule une série de trente-quatre races et Deniker, admirablement muni des mensurations qu’ont rapportées de tous les coins du monde les savants voyageurs modernes, classe avec soin vingt-neuf races diverses, formant dix-sept groupes ethniques ; mais il reste un doute pour beaucoup de représentants de l’humanité et l’on se demande s’il est possible de les faire entrer dans l’une ou l’autre de ces diverses catégories[1].

Nous savons maintenant que toutes ces constructions, si ingénieuses qu’elles soient, sont des édifices changeants. Depuis Darwin, l’ancienne théorie des espèces, d’après laquelle certaines formes seraient définitivement fixées, sans mélange possible avec d’autres types d’une origine différente, est renversée. Faite uniquement pour s’accommoder aux choses présentes, l’idée de l’espèce change suivant les naturalistes : chacun embrasse dans sa conception un ensemble de formes plus ou moins étendu. Ainsi, quelle est l’espèce mère du chien ? Faut-il y voir un loup, un renard, un chacal, une hyène ou bien encore d’autres formes primitives, que la domestication et un genre de vie différent ont graduellement modifiées et développées en d’innombrables variétés ? Le fait est que loups et chacals se croisent avec les chiens et donnent naissance à des individus dont la race se maintient et se recroise à l’infini ; d’autre part, les chiens, redevenus sauvages, reprennent, suivant les pays, des formes qui les rapprochent du loup, du chacal ou du renard. Où commence l’espèce immuable entre des limites absolues ? Où la variété avec ses modifications incessantes ? On ne sait.

Et ces difficultés qui se présentent dans la question de l’espèce canine existent aussi pour d’autres animaux, domestiqués ou non ; elles

  1. Golajanni, Razze superiori, razze injeriori.