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l’homme et la terre. — divisions et rythme de l’histoire

mêmes mouvements historiques et composées en grande partie d’éléments de même provenance ethnique. Il faut reculer la véritable limite entre le monde occidental et le monde oriental de manière à rejeter du côté de l’ouest tout le versant des deux fleuves jumeaux, le Tigre et l’Euphrate, ainsi que les principaux sommets de l’Iran. Cette région de la Perse et de la Médie, de l’Assyrie et de la Chaldée est intimement associée dans son histoire avec les pays de la Méditerranée, tandis que ses relations avec le monde de l’Orient furent toujours moins actives et plus fréquemment interrompues.

La vraie zone de séparation est indiquée dans le centre de l’Asie par une région territoriale qui se distingue à la fois par le haut relief du sol et par la rareté des habitants. Entre la Mésopotamie, dont les immenses foules dressèrent autrefois la Tour de Babel, et les plaines gangétiques de l’Inde, où l’on compte jusqu’à huit cents habitants par kilomètre carré, une zone médiane, ne contenant guère qu’un ou deux individus en moyenne pour le même espace, se dirige du golfe d’Oman vers l’océan Arctique. Elle commence immédiatement à l’ouest du bassin de l’Indus dans les régions presque désertes du Baluchistan, parsemées de rares oasis, puis elle se continue par les monts Khirtar et Suleïman-dagh enfermant dans leurs âpres vallées des tribus de montagnards fréquemment décimées par la guerre. Au nord-ouest de l’Hindustan, les hauts sommets de l’Hindu-kuch et d’autres cimes, inférieures seulement à celles de l’Hymalaya, marquent les bornes de partage, se prolongeant par les plateaux si difficiles à franchir auxquels on a donné le nom de « Toit du Monde » et qui, flanqués au nord d’arêtes parallèles, vont rejoindre le massif des a Monts Célestes ». Au delà de ces puissantes roches au diadème de glaciers, la zone faiblement habitée se poursuit dans la grande dépression sibérienne vers les rivages salins du lac Balkach, puis, au nord de la chaîne du Tarbagataï, vers les solitudes infertiles de Semipalatinsk, la « Steppe de la faim » ; enfin, l’entre-deux presque désert compris entre les bassins de l’Ob’ et du Ienisséi va rejoindre les toundras du sol congelé. Les recherches de Gmelin et d’autres naturalistes ont constaté que, pour la faune du moins, la véritable séparation entre l’Europe et l’Asie se trouve dans ces terres basses et arides et non sur les hauteurs verdoyantes des monts Oural.