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l’homme et la terre. — iranie

portance en Iranie et dans l’histoire de la pensée humaine et qui, englobant toutes les formes religieuses précédentes, y ajouta la notion de l’antagonisme absolu entre le Bien et le Mal.

Il importe peu que le fondateur, un Zaratvastra, Zarathustra, Zadutch ou Zoroastre quelconque, ait été un personnage réel, né dans la Bactriane, à Rhagae ou dans l’Atropatène, ou bien un type légendaire, créé postérieurement. Etait-il, d’après une étymologie plausible, mais incertaine, « le bon laboureur »[1] ? à quel titre le considérait-on comme le premier prêtre, le premier guerrier, le premier cultivateur, c’est-à-dire, comme le représentant de toutes les classes victorieuses et soumises ? nous ne savons : il suffit que son nom symbolise la religion essentiellement dualiste de l’Iran.

Si les religions primitives du Feu, du Labour, de la Nature, des Génies ne sont pas nécessairement liées, dans les phénomènes de leur naissance et de leur développement, à des conditions géographiques spéciales, il n’en est pas de même du mazdéisme tel que le proclama Zoroastre. Ce culte doit certainement, en grande partie, son caractère si net à la nature de l’Iran.

Sans doute, la conscience d’un combat éternel de deux forces n’a rien de spécial à la Perse, et chaque nation, chaque individu le retrouve en soi. Nous voyons sans cesse, en nous et autour de nous, le rythme de toutes choses et de leurs contraires : lumière et ténèbres, santé et maladie, joie et tristesse, rires et larmes, amour et haine, vie et mort. De même, l’homme se dédouble volontiers en esprit et matière, quoique l’unité de sa nature lui soit, par sa vie même, démontrée d’une manière évidente. On parle aussi des sexes comme s’ils étaient des principes opposés. Enfin, au point de vue politique et moral, toutes les sociétés se décomposent en partis et en çof, en amis et ennemis, en citoyens et étrangers, en Grecs et Barbares, même en Fils du Ciel et Diables de l’Enfer.

Mais la Perse nous présente, en dehors de l’individu, cette lutte des deux principes sous des formes matérielles qui devaient la remémorer sans cesse aux fidèles. D’abord le grand fait géographique du contraste précis entre le haut plateau et les plaines basses :

  1. D’après A. V. Williams Jackson — Zoroaster, the Prophet of Ancient Iran — Zar-uchtra signifie « le chameau sauvage », mots qu’il serait difficile d’expliquer symboliquement.