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l’homme et la terre. — iranie

porte des édifices : ils sont à la fois plus grands et sculptés avec plus d’élégance et de fini que les taureaux des palais assyriens ; en outre, les artistes persans n’ont pas recours à l’artifice bizarre de leurs prédécesseurs ninivites, qui, pour obéir à un sentiment grossier de la perspective, donnaient cinq jambes à leurs animaux monstrueux.

Les tombes royales sont, de tous les monuments de l’architecture persane, ceux où se décèlent le moins d’emprunts aux modèles étrangers. Il est probable que, dans ces œuvres, le style d’anciens troglodytes iraniens fut partiellement respecté : les habitations souterraines des morts devaient ressembler à celles des vivants. Le plan général de ces hypogées est toujours le même : au-dessus de l’ouverture qui donne accès dans la salle funéraire se déroule une procession de statues portant le pavois sur lequel le roi défunt adore le feu sacré, flambant sur un autel. La figure la plus haute, planant dans la partie supérieure du cadre de rocher poli, est le ferouer ailé, symbolisant peut-être le meilleur « moi » du suppliant, qui déjà monte vers le ciel, portant à Ormuzd les actes ou du moins les bonnes intentions de celui qui vécut.

À l’influence de l’hellénisme sur les Iraniens répliquait celle de la monarchie des Akhéménides sur les petites républiques de la Grèce. Les récits des marchands, les descriptions rapportées par les artisans et les artistes, la magnificence des ambassadeurs et de leur suite étaient de nature à faire très grande impression sur la vive imagination des Hellènes, et les partis en lutte dans chacune des petites communautés devaient, par la force des choses, garder les yeux fixés sur le colosse qui projetait son ombre vers l’Occident. Les uns, citoyens libres, se rappelaient avec fierté que toute la puissance de Darius et de Xerxès était venue se briser contre leur lances, et se sentaient emplis de mépris pour le monde pullulant des « Barbares », les esclaves du « Grand Roi » ; les autres, visant à la domination dans leur propre patrie, trouvaient que le pouvoir incontesté d’un maître dont la parole était obéie par tous les peuples, des régions torrides du désert aux steppes glaciales du Nord, présentait un spectacle d’une étonnante grandeur, et se laissaient aller à rêver un ordre de choses où la Grèce aurait, elle aussi, des maîtres prononçant des jugements reçus par tous avec révérence et docilité. Et puis le monarque