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l’homme et la terre. — palestine

le merveilleux recueil des Mille et Une Nuits, le Javidan Khirad des Perses, le Pantcha Tantra des Hindous, le livre qui, de tous, eut le plus, de lecteurs[1]. Il est certain d’autre part que les ruses marchands, phéniciens ou même grecs, n’étaient pas fâchés de représenter ces pays de commerce lointain, où ils avaient la chance d’acquérir de grandes richesses, comme des régions très dangereuses où l’on devait bien se garder de les suivre.

On attribue souvent, et sans doute avec une certaine raison, la décadence des populations de l’Arabie Heureuse à la diminution des pluies et aux empiétements du désert qui en furent la conséquence. Les traditions énumèrent par dizaines les fleuves qui auraient cessé de couler et les villes que le sable aurait englouties depuis les temps antiques. Ces récits paraissent reposer sur des faits ayant eu réellement lieu, mais des causes intérieures, d’ordre politique et social, coïncidèrent probablement avec la cause extérieure, l’assèchement du pays, pour amoindrir les énergies nationales et réduire à peu de chose leur action sur le monde.

L’imagination populaire est toujours tentée de ramener à un brusque phénomène, à une date précise de l’histoire la chute des empires, alors qu’il y faudrait surtout voir le terme d’une longue décadence. Ainsi l’on répète d’ordinaire que le royaume des Hymiarites cessa d’exister soudain à l’époque de la « ruine des barrages », Seïl-el-Orim, qui eut lieu en amont de Mareb ou Mariaba, environ 1760 ans avant nous ; la vie de la nation se serait écoulée en même temps que celle de ses cultures. Mais les hommes qui avaient construit les premiers réservoirs auraient pu les réparer et tracer à nouveau des canaux d’irrigation ; ils auraient pu faire refleurir les champs si l’initiative première n’avait été brisée, sans doute par une longue oppression. Si le peuple se dispersa, devenu incapable de susciter de nouvelles moissons dans le pays des aïeux, c’est qu’une vie de servitude lui avait fait perdre là force initiale. Ainsi les nations qui se succèdent paient toujours par un affaiblissement réel la force apparente des gouvernements qui les asservissent ; de nouvelles destinées se préparent, et les foyers de civilisation se déplacent.

Dans l’Arabie même, le Yemen devait avoir surtout le Hedjaz

  1. A. Ular, Les Mille et Une Nuits.