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civilisation hymiarite

presque toutes les nuits l’ensemble pur du ciel étoile, au-dessus de l’immensité des eaux et des sables. L’astrologie sabéenne, propagée mystérieusement de comptoir en comptoir, d’oasis en oasis, de peuple en peuple, contribua beaucoup à donner dans l’esprit des hommes un caractère presque sacerdotal à cette nation si peu connue de l’Arabie « Heureuse ».
pierre tombale d’hymiarie
On s’imaginait volontiers qu’une haute puissance magique correspondait à la richesse et à l’excellence de ses denrées.

Les chapitres qu’Hérodote consacre à ce délicieux pays des parfums, qui « répand comme une odeur divine »[1], sont parmi les plus étranges de ses Histoires et témoignent chez ses informateurs d’un parti pris de mensonge mêlé à la plus riche fantaisie. Des récits de petits serpents ailés au corps bigarré qui volent en nuées autour des arbres producteurs d’encens, de chauves-souris féroces, au cri strident, qui défendent les plantations de cannelle, et d’oiseaux formidables qui enlèvent des quartiers de charogne pour les laisser retomber dans leurs nids, où les pelures de cinnamome se maçonnent avec l’argile, toutes ces fables bizarres ne pouvaient naître que chez des marins imaginatifs, sollicités par les circonstances mêmes de leurs voyages à raconter des prodiges invraisemblables aux auditeurs ébahis : ces récits donnent un avant-goût du flot de fables gréco-égypto-assyro-irano-indoues qui, parcourant et reparcourant l’immense espace entre le Sahara et le Gobi, entre le Brahmaputre et le Guadalquivir, et s’enrichissant de l’esprit inventif de chaque narrateur, devint sous la plume des scribes arabes

  1. Livre III (Thalie), 107 à 113.