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tyrannie pharaonique

foulé par les troupeaux ». Dans les villes, la plupart des ouvriers étaient également des serfs héréditaires, dont le travail aussi bien que le corps appartenaient au maître, et que l’on payait uniquement en pain et en blé ; dans les grandes occasions on ajoutait un peu d’huile à la pitance ordinaire. Mais, lorsque le paiement se faisait seulement chaque mois, la nourriture fournie par les maîtres était généralement consommée dans la première quinzaine, et les artisans, dépourvus de toute ressource, devaient forcément jeûner ou voler des provisions dans les greniers publics et privés.

Cl. Brogi.

travaux agricoles d’après un bas-relief du musée archéologique de florence


Souvent aussi, ils se révoltaient, ou cherchaient par la grève à obtenir des salaires plus élevés. Puis, quand la mort les avait enlevés à l’existence misérable, on les jetait, cadavres anonymes, dans l’hypogée commun, après de très sommaires cérémonies, jugées suffisantes pour la tombe sans nom. Ainsi que l’a dit Maspero, en s’aventurant beaucoup trop dans le champ des prophéties — car une transformation pour le mieux a certainement lieu à l’époque contemporaine —, « l’Egypte peut changer de religion, de langue, d’origines, le maître peut s’appeler Pharaon, Sultan ou Pacha, le sort des fellâhin n’en sera pas moins toujours le même. »

Le musée de Turin contient un papyrus où Hatnekht, surveillant de travaux à Thèbes, a inscrit ce qui se passait autour de lui dans la 29e année du règne de Ramsès III. Les plaintes des ouvriers, les quartiers enclos de murs, leur croyance absolue dans la bonté du Pharaon, « si seulement il savait leur misère ! », la facilité avec laquelle les fonc-