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l’homme et la terre. — grèce

nettement limitée du côté du large : c’est un vaste berceau préparé pour une civilisation naissante.

Ce n’est pas que la mer Egée soit toujours douce aux matelots et que son flot se déroule toujours harmonieusement sur les plages. Elle s’irrite aussi parfois, et son nom même, dû à ses vagues qui se redressent en « chèvres » bondissantes, nous montre que nos ancêtres grecs la voyaient surtout sous son aspect redoutable. De nombreux récits et, avant l’histoire, les légendes homériques nous disent avec quelle émotion les navigateurs se hasardaient sur les eaux irritées et combien fréquents y furent les naufrages. Le vent le plus mauvais est celui qui souffle du Nord et du Nord-Est, descendant des montagnes de la Macédoine ou même provenant des grandes plaines méridionales de la Russie et se glissant en tempête dans les détroits sinueux. Mais ce vent s’égalise souvent en brise régulière, qui souffle pendant le jour, surtout durant l’été, et qui se calme pendant la nuit. Une alternance s’établit en certains parages avec un rythme si parfait que les marins s’y abandonnent avec toute confiance : la terre, puis la mer « respirent » chacune à son tour, poussant les navires, d’abord dans la direction du large, puis les ramenant dans l’intérieur des golfes. Les dangers qui menaçaient les navigateurs de la mer Egée étaient donc de ceux que des hommes intelligents pouvaient souvent prévoir : ils s’y préparaient, se promettant de doubler tel promontoire avant l’arrivée du grain ou le changement de brise et gardant toujours en vue la lumière lointaine d’une escale ou du port souhaité.

Les plus anciens habitants du monde grec dont les archéologues aient retrouvé la trace ne vivaient point à des âges aussi reculés que les riverains de l’Euphrate et du Nil dont les travaux ont subsisté jusqu’à nous. On fait remonter l’existence de ces Hellènes ou pré-Hellènes à une cinquantaine de siècles environ, bien antérieurement à la venue des Phéniciens dans les eaux de la mer Egée ; et c’est dans les îles que les plus antiques vestiges humains ont été retrouvés, d’où le nom d’ « égéenne » donné à cette première période de la société humaine en ces parages. Les restes exhumés dans la Grèce continentale, à Mycènes (Mukênai), à Tyrinthe, à Vaphio près de Sparte, à Spatha en Attique, sont postérieurs, de 1 000 ans peut-être, à ceux fournis par les fouilles de Crête, de Troade ou de Thera.