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l’homme et la terre. — grèce

tarque de Samos, suivant en cela renseignement de Pythagore et de son école : on dit même qu’il fut menacé d’un procès en impiété, sous l’imputation de vouloir « déplacer le foyer intime du monde »[1]. Bien plus, les lois de la gravitation étaient déjà pressenties puisque, d’après certaines hypothèses, la lune ne tombe point, « grâce à sa marche même et à la rapidité de sa révolution. Ainsi les projectiles placés sur une fronde se trouvent retenus par le mouvement circulaire qui leur est imprimé ». Enfin, les savants parlaient de l’absurdité de tout système donnant la Terre pour centre à l’univers. « Le monde étant infini, disaient-ils, la Terre ne peut en occuper le milieu »[2].

Dans leurs œuvres matérielles, la gloire toujours grandissante des Grecs vint surtout du merveilleux sens de la mesure et de la forme, dans lequel ils n’ont pas encore été surpassés. Aucune de leurs peintures n’a été conservée et nous ne pouvons nous en faire une idée indirecte que par les décorations — romaines et égyptiennes, mais évidemment nées sous l’influence de l’art grec — dont on a retrouvé les restes dans les cendres de Pompei et dans les fouilles de Hawara. Des chefs-d’œuvre de sculpture dus à Myron, Phidias, Scopas, Praxitèle sont encore l’orgueil de nos musées, et l’on sent en présence de ces dieux qu’ils représentent vraiment un idéal de l’homme, tel que les Grecs l’avaient conçu dans le parfait équilibre de sa force et de sa grâce, de sa noblesse et de sa beauté : aussi, cette perfection même, où les artistes avaient su admirablement fondre l’idée première de la majesté, jadis grossièrement symbolisée par les règles hiératiques, et la science de la réalité vivante, cette perfection eut-elle pour conséquence d’arrêter pendant de longs siècles le libre développement de l’art, en laissant le sentiment de leur impuissance aux hommes qui suivirent : longtemps, les meilleurs, désespérant d’atteindre aux sommets inaccessibles, s’épuisèrent déplorablement en de vaines imitations, au lieu de tenter virilement des voies nouvelles correspondant à des pensers nouveaux. De même que les monuments de la grande statuaire, les charmantes figurines de Tanagra, les aiguières, les amphores, les vases retrouvés dans les temples et les tombeaux restèrent des types qui, dans l’admiration des modeleurs et ciseleurs, furent presque considérés comme inégalables.

  1. Plutarque, Du Visage qui se voit dans le Disque de la Lune, 6.
  2. Même ouvrage.