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l’homme et la terre. — îles et rivages helléniques

seulement les commerçants et les marins, mais aussi des savants, des poètes, des artistes, hommes illustres qui venaient y séjourner comme professeurs ou comme élèves.

Rhodes fut, il y a vingt-deux siècles, un des principaux, centres pour la mesure d’un arc de méridien. Eratosthènes, tenant compte des routiers des navires qui trafiquaient entre Rhodes et Alexandrie et des hauteurs du soleil au-dessus de l’horizon des deux villes, en vint à fixer le pourtour du globe terrestre à 252 000 stades, mesure différant de la véritable circonférence d’un sixième en plus seulement[1]. Cent cinquante ans plus tard, Posidonius, reprenant ces calculs et utilisant les observations relatives à l’étoile Canopus, trouva 180 000 stades, chiffre trop faible d’un cinquième. Les savants grecs déterminaient assez correctement les latitudes, mais ils ne disposaient d’aucune méthode pour les longitudes ; l’un d’eux, Hipparque, signala il est vrai les éclipses comme pouvant servir à cet effet, mais il fallut attendre seize siècles pour que cette notion scientifique pût passer dans le domaine de la pratique ; on manquait aussi de moyens pour mesurer effectivement les distances. Il était admis que Rhodes se trouvait directement au nord du Pharos — elle est en réalité 1° 40′ plus à l’ouest — et que 3 750 stades les séparaient — on compte aujourd’hui 330 milles nautiques équivalant à 3 300 stades — , double approximation expliquant très bien l’erreur des philosophes alexandrins.

On sait aussi que l’art fut représenté, à Rhodes : on connaît les quatre chevaux de bronze doré qui figurent au fronton de la basilique St-Marc à Venise après avoir orné d’autres capitales, Rome, Bysance et Paris. Pendant une cinquantaine d’années, le fameux colosse de bronze de Kharès se dressa vers l’extrémité du port : l’énorme masse, renversée et brisée par un trembleterre, il y a plus de vingt et un siècles, resta gisante sur le sol durant près de neuf cents ans avant d’être vendue aux fondeurs juifs. Le monument avait été consacré, non pas à l’Apollon dorien, mais à Hêlios, au Soleil lui-même, à l’astre Vainqueur et Créateur, dégagé de tout symbole, car Rhodes se disait par excellence l’Epouse du Soleil.

  1. Delambre, Astronomie ancienne, t. I, p. 220; — Oscar Peschel, Geschichte der Erdkunde, pp. 42-43 ; — Bunbury, History of Ancient Geography, chap. XIV. — Le stade ayant une valeur moyenne de 185 mètres, un degré de grand cercle équivaut à 600 stades, un mille nautique à 10 stades.