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tendance a l’égalité politique

« majesté romaine » : hier toutes-puissantes, les divinités protectrices des cités perdaient désormais leur autorité devant un magistrat, un proconsul agissant au nom de Rome. Un citoyen désigné par le Sénat
Musée du Louvre.Cl. Giraudon.
posidonios, stoïcien grec
recevait le pays en curatelle, il en faisait sa charge, son affaire personnelle, c’est dans ce sens que s’employait le mot provincia[1]. Muni de l’imperium, c’est-à-dire du plein pouvoir, de la souveraineté, ce citoyen représentait en sa personne tous les droits et privilèges de la République ; il commandait à la force armée et rendait la justice suivant sa seule volonté : « aucune loi ne pouvait s’imposer à lui, ni la loi des provinciaux, puisqu’il était Romain, ni la loi romaine, puisqu’il jugeait des provinciaux ». Il était la loi vivante, publiait un édit, dressait un code personnel à sa volonté. Ses sujets étaient des étrangers, ils tombaient dans la condition de l’ennemi contre lequel tout était licite, qui n’était ni mari, ni père, ni maître de sa propriété, il ne pouvait être tout cela que par tolérance.

Pour redevenir homme, pour rentrer virtuellement dans la société, le vaincu n’avait donc qu’un seul moyen, une seule ambition qui lui fût ouverte, l’entrée dans la cité romaine. Ce fut là le fond de l’histoire, et l’on vit successivement des fonctionnaires, des classes, des cités, des nations acquérir ce droit précieux sans lequel l’homme n’avait pas

  1. Fustel de Coulanges, La Cité antique, p. 458.