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journal de la commune

commettre une troisième et terrible faute, celle de faire décider pour sa part la lamentable expédition de Versailles et de faire défiler dans la plaine, sous le feu du formidable mont Valérien, quelques cinq ou dix mille gardes nationaux, allant de bonne foi et en toute confiance faire mettre la crosse en l’air aux lignards de Versailles et trinquer avec eux au cri de « À bas l’Assemblée et, Vive la Commune ! Avec toutes ses qualités du cœur et de l’esprit, avec son ingéniosité, sa droiture, son intégrité, sa générosité, sa nature sympathique, ce malheureux Gustave Flourens a fait plus de mal à la France qu’un général ennemi à la tête de cinquante mille soudards ; O jeune démocratie, que tu es simple et inexpérimentée de prendre ces naïfs là pour chefs et capitaines !


Lundi, 10 avril.

Paris avait des représentants qu’elle aimait. Elle avait son préféré, son petit Benjamin, auquel elle avait donné deux cent mille voix, nombre prodigieux ; elle avait envoyé à l’Assemblée des hommes à qui elle voulait faire honneur, des hommes qui lui feraient honneur, espérait-elle. Dès la signature du traité de paix, plusieurs donnèrent leur démission, quelques-uns pour ne pas ratifier la honte de la France, d’autres pour protester contre les insultes faites à Paris et à la République, Victor Hugo parce que l’Assemblée jetait des pierres et des ordures sur la personne sacrée de Garibaldi. — Après la promulgation de la Commune, quelques-uns, ne pouvant siéger simultanément à Versailles et à l’Hôtel de Ville, optèrent pour l’Hôtel de Ville. Quand Thiers eut lancé sa première bombe contre Paris, nous pensions que tous les députés de Paris qui étaient encore à Versailles protesteraient solennellement contre cette infamie et viendraient prendre avec nous leur part du danger. Nous avions rêvé que Louis Blanc, que Langlois, que Dorian, que Farcy, que Brisson, que Victor Schœlcher, qu’Edgar Quinet iraient se poster à la Porte-Maillot, et, devant les Vinoy, les Charette, les Cathelineau, les Galiffet, ils étendraient la main : « Nous vous défendons de toucher à Paris ! »

Oui, nous rêvions cela, et chaque matin nous demandions : « Sont-ils arrivés pendant la nuit ? »