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journal de la commune

la majorité de 286 contre 275, accordé à toutes les communes de France la faculté d’élire son maire comme cela s’est toujours pratiqué en France depuis qu’il y a des maires et des communes, comme cela se pratique dans tous les pays du monde, et même dans les populations sauvages qui élisent leur chef. L’Assemblée avait voté (séance du 8 avril) ; la loi était décrétée par les législateurs, quand tout d’un coup apparaît Thiers à la tribune, furieux, menaçant, criaillant avec sa voix de chouette effarée, battant des ailes, fascinant les buses de l’Assemblée avec le regard immobile de ses grandes lunettes luisantes : — « Qu’avez-vous fait ? Ce n’est donc plus moi qui nommerai, qui révoquerai les maires de Lyon et de Bordeaux, le maire de Marseille dont, il y a huit jours, nous avons pris la mairie et enfoncé les portes avec la hache d’abordage ! Quoi, vous voulez reconnaître à ces villes révolutionnaires le droit de se nommer un chef malgré le gouvernement ! Vous ne savez pas ce que vous faites. Vous n’êtes pas chargés comme moi du fardeau de sauver la société (sic). Si vous ne vous déjugez instantanément, je donnerai instantanément ma démission et vous sauverez la société comme vous le pourrez. »

Et l’Assemblée s’est déjugée instantanément. Par un nouveau vote, elle a déclaré : « Nous étions sots, nous sommes pleutres. »

Nous avions négligé un petit détail de la loi municipale qui a bien son charme. Dans toutes les communes, l’élection des conseillers municipaux se fera par scrutin de liste afin de donner entrée dans le conseil aux notabilités diverses de la ville entière, notabilités politiques, littéraires, scientifiques, industrielles, commerciales, et de ne pas laisser trôner exclusivement des notabilités de quartiers ; « afin que les villes soient représentées dans leur vie morale comme dans leurs intérêts matériels. »

Cette loi, faite d’exceptions, est ce que M. Thiers appelle une loi de Droit Commun, sous couleur qu’elle est faite pour la France prise dans son entier. Elle est faite pour décapitaliser Paris, pour le démunicipaliser. La loi est injuste, donc absurde, faite en haine de la Commune, elle légitime la Commune et lui donne une force nouvelle.