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journal de la commune



produisent tous les jours dans la presse révolutionnaire, que M. le Garde des Sceaux invoque la juridiction du jury. C’est contre ces délits, absolus et éternels…

(Quoi vous dites, Monsieur le Prince, contre le droit éternel et absolu d’une fourmi ?)

« C’est contre ces délits absolus et éternels que M. le Garde des Sceaux nous demande d’armer la législation. Je me trompe, il ne nous demande pas de l’armer, car elle est déjà plus que suffisamment armée ; il nous demande de changer des armes usées et émoussées contre des armes neuves qui puissent porter des coups plus assurés. (Très bien !)

« La véritable raison qui a déterminé le gouvernement à préférer en matière de presse la juridiction nouvelle du jury à celle des tribunaux correctionnels, ainsi qu’elle fonctionne aujourd’hui, c’est que, par leur nature, les délits de presse se prêtent difficilement à une appréciation rigoureuse, rentrent difficilement dans des catégories prévues, que chaque délit de presse a son caractère particulier tenant au ton, à l’accent de l’écrivain, à l’intention qui l’anime, au but qu’il se propose, quelquefois même à l’état des circonstances et de l’opinion au milieu desquelles l’écrit paraît. Il est impossible d’enfermer de tels délits dans des définitions rigoureusement établies par la loi. Voilà pourquoi il est difficile, peut-être impossible, aux habitudes d’esprit de la magistrature de se plier à ce qu’il y a de souple, de mobile, d’ondoyant dans cette nature de délits. (Très bien, très bien !)

La tendance habituelle de la magistrature, c’est de consulter uniquement le texte de la loi et de l’appliquer, quoi qu’il arrive, de ne point faire acception de personnes, de juger le lendemain comme la veille. C’est son devoir dans les délits ordinaires, c’est son défaut dans les délits de la presse.

« Une autre raison, c’est que la répression des délits de presse, pour être efficace, doit être dictée à l’avance ou, au moins, ratifiée après coup par l’opinion.

« Nous avons essayé, dans ce siècle, de tous les systèmes de répression en matière de presse… tous ont réussi ou échoué suivant que l’opinion les a contrariés ou secondés. Tous ont réussi, même l’impunité quand l’opinion a