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journal de la commune

droits que ceux du chien enragé, n’ont d’autre pitié, d’autre bienveillance à attendre que celle qu’on accorde au chien enragé.

Jeudi, 27 avril.

C’est à partir d’aujourd’hui que devra fonctionner un décret de la Commune portant que, sur les justes demandes de la corporation des ouvriers boulangers, le travail de nuit sera supprimé.

La question ne m’était pas inconnue, mais pour acquit de conscience, j’en ai conféré avec un patron boulanger. Le décret est sommairement juste, mais il a le tort d’être brutal dans la forme et de ne pas laisser place aux transitions et aux accommodements. On ne peut pas prétendre changer d’un trait de plume les habitudes de toute une partie de la population de Paris, accoutumée à prendre son pain frais tous les matins, sans s’exposer à des criailleries assourdissantes et à des mécontentements qu’il serait facile d’épargner au Gouvernement qui n’a nul besoin d’ameuter tant de mesquines colères contre lui.

Ceux qui ont pénétré tant soit peu les mystères du pain qu’ils mangent tous les jours, savent que la Boulangerie, un des plus anciens métiers de notre civilisation, en est aussi un des plus arriérés, et même des plus pénibles, pour ne pas dire un des plus cruels et asservissants. La Boulangerie comporte des réformes promptes et radicales, mais nous ne louons l’arrêté précité que jusqu’à un certain point. Nous l’eussions préféré autrement libellé : « Le travail de nuit est supprimé comme règle générale et pour le pain soumis au tarif que l’acheteur a le droit de se faire peser sur le comptoir. — Quant aux pains dits de luxe et de fantaisie, au poids indéterminé, les boulangers auront toujours le droit d’en fabriquer la nuit, en organisant, pour ce, des relais spéciaux d’ouvriers payés pour ce travail. »

Le luxe ne doit pas être interdit, mais alors que le luxueux, et le luxueux seul, le paie.

Une bonne mesure a été prise en même temps. Des registres de placement pour les ouvriers boulangers, d’offre et de demande de travail, sont ouverts dans chaque mairie…