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journal de la commune

fait mine de se courber. Quelques-uns, quand un obus passe, lèvent leur chapeau au cri de vive la République !

Les bombes éclatent, nombreuses et serrées sur le rond-point de l’Etoile quand y débouchent les députations. Atteint par un projectile, un Écossais est emporté à l’hôpital Baujon. Les maçons se groupent sous l’Arc de Triomphe, pendant que la délégation parlementaire, avec ses soixante drapeaux, descend, calme et solennelle, l’avenue de la Grande Armée, sous les obus.

Ils ne tombèrent plus longtemps. La bannière blanche arrêta le feu des Versaillais ; depuis longtemps les fédérés avaient discontinué le leur. Arrivés aux remparts, les francs-maçons se déploient le long des murailles et plantent leurs bannières sur les bastions ; tandis que quarante vénérables, franchissant les lignes, s’avancent par la grande avenue de Neuilly sur la barricade du pont de Courbevoie. On les suit des yeux avec angoisse. Mais décidément les Versaillais ont interrompu leur feu.

Au pont, le colonel Leclerc reçoit les délégués très froidement et les conduit à son supérieur. Le général Montandon, franc-maçon lui-même, salue avec courtoisie. À la vue des bannières bien connues, il a pris sur lui d’arrêter le feu, mais il n’a pas le pouvoir d’accorder une attention bien longue. Il engage les frères à envoyer des députés à Versailles et met une voiture à leur disposition.

Trois des dignitaires se mettent aussitôt en route ; ils vont encore une fois essayer de fléchir M. Thiers, d’attendrir son cœur, vieux pruneau desséché. Toutefois, ils sont nombreux, les frères qui s’écrient : « Il est impossible qu’on résiste à nos offres de paix, il est impossible que Versailles ne nous écoute pas, que les villes de France ne nous fassent pas écouter ! »

Dimanche, 30 avril.

Ils sont bien coupables, ces hommes de Versailles, qui sont entrés au pouvoir, non comme les mandataires de la nation tout entière mais comme les aventuriers d’un parti, qui ont cru établir plus solidement leur caste sur les débris de la France démantelée ; ils sont bien criminels, ces hommes qui, pouvant être le Gouvernement, ont préféré n’être qu’une faction, et qui, pouvant faire de grandes choses pour