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journal de la commune

le bien de tous, ont manigancé de petits complots, d’indignes coups d’État pour leur satisfaction personnelle et l’intérêt de leurs compères et complices de la haute bourgeoisie libérale. S’il le faut, ce qui nous reste de patrie y périra, car nos gouvernants, Thiers, Favre, Dufaure et consorts ont la gloriole féroce, leur dépit monte jusqu’à la rage et leur vexation jusqu’au paroxysme de l’hystérie.

Malheureusement, les personnages officiels ne sont pas les seuls coupables. Dans leur œuvre de mensonge à outrance et de calomnie cruelle, ils ont été accompagnés, précédés et suivis par des hommes presqu’autant puissants et respectables qu’eux, des meneurs de la presse, des directeurs de journaux, des écrivains de premier ordre, des écrivassiers du rang le plus infime. Depuis le Journal des Débats jusqu’au vil Figaro ou à l’immonde Gaulois, pas une parole de raison, de sens, de conciliation, tous leurs discours ne sont que des réquisitoires dont la conclusion est toujours la même : Tue ! tue ! Paris envoie ses députations de pacificateurs, ses francs-maçons, ses délégués, ses chambres syndicales de la Ligue d’Union, que sais-je ? De Versailles, rien ! pas même un article dans un bout de journal ! — Une des choses qui m’ont ému le plus douloureusement et qui, mieux que nulle proclamation de la Commune, m’a fait sentir la nécessité pour Paris de se défendre jusqu’à la mort, s’il le faut, c’est l’excommunication solennelle lancée par le Temps de Versailles contre le Temps de Paris. Le journal s’est dédoublé pour servir sa double clientèle de la capitale et de la province. Et tandis que la rédaction de Paris, peut-être avec bonne foi poussait à quelque conciliation, le Rédacteur en chef siégeant à Versailles aux pieds du petit M. Thiers, a excommunié son frère de Paris, qui osait croire que cent ou deux cent mille gardes-nationaux ne sont pas un ramassis de fous furieux, qu’ils ont quelques raisons plausibles que Versailles devrait écouter avec indulgence, en accordant un armistice. Le Temps versaillais n’admet pas que l’Assemblée, qui est la légalité, puisse parlementer un instant avec la Commune, qui est le crime. Que les insurgés commencent par déposer leurs fusils, qu’ils se fassent d’abord mettre les menottes aux poignets par les gendarmes, et, après, ils tâcheront à s’entendre avec les juges !… Auparavant ce serait se rendre les complices