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journal de la commune

le droit individuel de légitime défense s’arme contre le droit collectif et impersonnel.

Permis à Versailles de faire du désordre parce que Versailles est le gouvernement de l’ordre. Permis à Versailles de faire tout-à-coup main basse sur le service des postes et de dévaliser nuitamment les bureaux. Permis à Versailles de confisquer les lettres que nous écrivent nos amis, parents et correspondants de province et celles que nous écrivons pour demander ou donner des renseignements sur les objets qui nous sont le plus cher ; ces lettres, nous les transmettons par les lignes prussiennes ou en usant d’autres artifices, mais Versailles en saisit par milliers, en prend connaissance, nous dit-on, et les garde tant qu’il lui plaît, tant qu’il lui plaira. De cet attentat au droit des civilisés, personne ne souffle plus mot, ce n’est plus un crime, car il est commis par le Gouvernement légal. Le gouvernement de Versailles supprime l’envoi par toutes les postes de France des journaux de la Commune. Paris, le pauvre Paris est muet en face des circulaires, des railleries et des menteries dont MM. Thiers, Picard et Favre inondent la province et les pays étrangers. Cette interdiction des postes est pour Paris l’absolue suppression de la presse : personne ne s’en plaint, personne n’y trouve à redire. On ne compte plus les journaux républicains supprimés dans les départements, qui s’en offusque ?

Eh bien ! quand la Commune marche timidement sur les traces du Gouvernement de Versailles, quand elle supprime maladroitement des journaux qui ne sont pas supprimés pour cela. Le Corsaire reparaissant sous le nom de Pirate et le Pirate devant reparaître sous celui de Picrate, et ainsi de suite, la Commune est pour ce sifflée et persiflée. Le Rappel, l’Avenir National, Le Siècle, Le Mot d’Ordre, journaux républicains mais non révolutionnaires qui hésitent prudemment entre Paris et Versailles, et qui critiquent l’un et l’autre indifféremment pour trouver grâce auprès du vainqueur, quel qu’il soit, entretiennent avec délices cette plaie des coups et sévices contre la presse. Si les troupes de la Commune subissent quelque échec, vite nos Dictateurs sont rappelés au respect des principes : on leur fait un crime d’oublier au pouvoir les idées qu’ils n’avaient cessé de confesser dans l’opposition, de balafrer de leurs mains