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journal de la commune

Porté subitement au pouvoir, le Comité central, composé pour la majeure partie d’hommes honnêtes et résolus, d’une intelligence simplement ordinaire, n’a pas su, il ne sait pas encore ce qu’il représente ; personne d’ailleurs ne le sait, et les plus intelligents moins que tous les autres. C’est la situation elle-même qui est indécise et confuse… C’est la plus glorieuse anarchie qu’il soit possible d’imaginer. Nuit noire, illuminée çà et là d’éclairs de foudre. Donc, le Comité central, qui, le 17 mars, n’était qu’un des engrenages à peine remarqués de l’énorme machine sociale au milieu des complications survenues s’est trouvé être la pièce importante du mécanisme, la pièce de laquelle dépend tout le fonctionnement de Paris et de plus que Paris… Par son coup d’État, M. Thiers a bouleversé la situation à son profit. Il a manqué le but, mais n’en a pas moins tout chaviré.

De fait ce Comité central est presque tout de droit… Or, nous sommes en révolution, alors que le fait révolutionnaire se substitue à la légalité antérieure, alors que le droit nouveau prend la place du droit ancien, les hommes du Comité central sont des hommes nouveaux : c’est parce qu’ils sont nouveaux, c’est pour faire des choses nouvelles qu’on les a fait monter à l’Hôtel-de-Ville. Ils doivent innover, c’est entendu, mais que doivent-ils innover, combien doivent-ils innover, là est l’immense difficulté. Pour préciser la réponse, il faudrait un instinct des plus délicats, un tact suprême ou bien une analyse des plus savantes. Comment les demander à ces braves gens dans une occurrence soudaine, dans une crise bizarre et fantastique ? Fallait-il que le Comité central s’arrogeât immédiatement tous les pouvoirs ? Faut-il encore que le Comité central rende à Versailles le coup que Versailles a voulu porter à Paris ? Parce que Versailles a raté son coup contre Paris, faut-il que Paris essaie à son tour un coup d’état contre Versailles, sauf à le rater aussi ?

En dernière analyse, le Comité central, personnification de la garde nationale, n’est autre chose que le suffrage universel armé, mais il y a suffrage universel et suffrage universel. Il y a le suffrage universel en matière civile, ce sont les municipalités, les mairies des vingt arrondissements de Paris ; il y a encore le suffrage universel en ma-