de supprimer un journal tel que la Commune qui, avec le Réveil, a été le meilleur journal populaire dans ces deux derniers mois, il est permis de dire qu’avant d’en venir à cette extrémité, il eût mieux valu prendre une mesure radicale, générale et égalitaire et supprimer tous les journaux, ce que, chose curieuse à constater, la plupart désireraient ardemment. Le Mot d’Ordre de Rochefort, le Rappel des Hugo sont jaloux de n’avoir pas été favorisés comme l’a été l’Avenir National. Après avoir prétendu guider le peuple et l’opinion, ils n’osent pas se retirer de la lutte, avouer qu’ils sont débordés par les événements, à bout d’idées et de courage, qu’ils redoutent la Commune, mais qu’ils ont une peur atroce de Versailles. Je ne sais si les journaux du parti révolutionnaire ont grandement servi à entretenir l’enthousiasme des révolutionnaires, le fait est qu’ils sont affolés et affolent, car la folie est contagieuse, terrible épidémie, elle peut infecter toute une ville en quelques heures. Voyez, par exemple, la Commune, dirigée par le proudhonien Georges Duchêne, qui se piquait d’être un journal pratique, sensé, raisonnable dans l’exécution, résolu dans la conception. Il a donné tout le temps des avis judicieux dont plusieurs étaient excellents. Mais depuis que fonctionne le Comité de Salut Public, il est saisi d’une colère et d’un désespoir que je comprends certes et que j’excuse en les constatant. Le dernier article pour lequel il s’est fait supprimer, et justement supprimer, a pour titre l’Hystérie et a sans doute été écrit dans un accès hystérique : il attaque avec fureur les serviles inepties, les stupides inerties de la majorité de nos dictateurs, il somme la minorité d’en finir avec cet élément ignorant, grotesque, avec ces braillards des clubs, pitres de 93, papes et chanoines du fusionnisme, religionnaires de Robespierre et du Père Foureil, d’en finir avec ces revenants et ces révérends, avec ce carnaval de la Révolution. Il adjure l’honnête Cambon ou le stoïque Delescluze de faire un coup d’État en transférant de l’Hôtel de Ville à Mazas cette majorité de cuistres, d’écervelés, de plats ambitieux, sans science ni conscience… Si le journal qui s’exprime avec cette violence contre ces personnes, avec tant d’imprudence dans ses termes, est supprimé dès le lendemain, il n’y a pas lieu de s’en étonner.
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